Les photographies de la projection sur écran géant sont de Josiane Farand. L''animation NATURA-IDENTITÉ est une création de l'artiste visuel Stéphan Daigle. Celle-ci est est accompagnée de mon poème chanté, SUR LE LAC DES ÎLES dont voici le lien : www.youtube.com/watch?v=n5OH4iYdKsU&ab_channel=St%C3%A9phanDaigle
La femme intérieure
L'être-vrai inconditionné recouvre la masse volumineuse de ta chair rouge. Il entre et sort sans arrêt par les ouvertures de tes organes sensoriels. Si tu ne l'as pas encore rencontré, saisis-le, saisis-le ici et maintenant!
Lin Chi, maitre chan fondateur de l'école Rinzai du bouddhisme Chan sous la dynastie Tang en Chine
L'être-vrai inconditionné recouvre la masse volumineuse de ta chair rouge. Il entre et sort sans arrêt par les ouvertures de tes organes sensoriels. Si tu ne l'as pas encore rencontré, saisis-le, saisis-le ici et maintenant!
Lin Chi, maitre chan fondateur de l'école Rinzai du bouddhisme Chan sous la dynastie Tang en Chine
Ma Poïétique
En tant que peintre, mes premiers instruments sont évidemment les pinceaux et peintures. La couleur dans mes tableaux est souvent traitée comme matière et lumière. J'intègre parfois des morceaux choisis de documents photocopiés de textures provenant de différents univers iconographiques, des fragments d'imprimés présélectionnés de reproductions issues de mes propres œuvres d’art, ou encore, des bribes d'images provenant du patrimoine historique mondial; des écrits et des mots aussi, servant à la fois d’éléments de sens et d’éléments de composition. Quoique très large, la palette d’instruments que j’emploie reste relativement simple d’usage. Elle me permet une grande spontanéité, ainsi que de maintenir une connexion viscérale avec la réceptivité et la sagesse du corps.
Plus récemment, j'utilise des détails d’œuvres anciennes comme éléments de composition dans de nouvelles œuvres picturales numériques. Comme la création numérique d’une image fonctionne par superposition comme ma construction de tableau, celle-ci s’adapte parfaitement à mes besoins et à ma sensibilité.
Les supports
Pendant longtemps, je me suis servi dans mes œuvres de l'impression de mon corps sur la toile. Les surfaces rigides de bois m'ont en plus offert la possibilité de graver, de clouer, de brûler, d’intégrer des matériaux tridimensionnels, d’intervenir ainsi dans une profondeur physique. La toile, montée ou non sur faux-cadre ou sur surface rigide, a aussi fait partie des surfaces d’exploration appelant une relation énergique et intense. Enfin, l'utilisation du papier me permet un travail plus minutieux, je l'emploie principalement pour l'illustration de textes.
Aujourd'hui, je ne ressens plus le besoin de me confronter au poids de la matière. Je suis poussée vers d'autres explorations, dont celle de la réalité virtuelle que j'utilise encore avec parcimonie afin de rester connectée à la vérité-vitalité organique qui passe par le corps. L'intégration de mon travail plus physique dans des oeuvres numériques me permet de garder ce lien pour moi essentiel.
D'un autre côté, mon amour de la musique, mais aussi, la part littéraire de ma créativité, me permet l'exploration de ma voix qui me relie avec cette intelligence du corps : c’est ce que je réalise en chantant mes poèmes sur différentes compositions musicales d'artistes partenaires. Je suis de plus en plus amenée à oeuvrer avec d'autres collaborateurs afin de créer des oeuvres que je pourrai diffuser sur des plateformes numériques qui offrent à un plus large public cet aspect de ma quête de beauté et d’harmonie.
La connaissance
Au tout début de ma vingtaine, vivant une vie nomade, j'ai été fascinée par le théâtre d'ombres et la musique qui étaient devenus mon gagne-pain. J'ai voyagé durant quelques années sur les routes d'Amérique et d'Europe avec mon compagnon d'alors qui était un musicien de talent. Pour tout bagage: nos instruments de musique ainsi qu'un castelet que nous avions fabriqués avec ses personnages plats et ses décors découpés dans des feuilles en bois léger. Nos spectacles s'animaient autour d’histoires et de chansons que j'écrivais et chantais sur des compositions musicales de mon ami. Comme dans un rêve, la beauté insaisissable des éléments du théâtre d'ombres apparaissait aux yeux des spectateurs grâce à la source lumineuse que nous avions : une simple lanterne à l'huile de camping. Cachée derrière le castelet, en train de manipuler mes personnages dentelés laissant passer des entrelacs de lumière, j'ai plus d'une fois eu la troublante impression d'être moi-même projetée sur le grand écran de l'existence.
Quelques années plus tard, moi qui avais vécu comme un oiseau sur sa branche, j'ai ressenti le besoin pressant de m'engager dans une démarche artistique appelant un enracinement par une grande présence corporelle.
Après avoir dansé pendant plus de trente ans dans un corps à corps intime avec la matière faisant ressortir de vives émotions, une forme d'épuration s'opère dans mon art. Une légèreté lumineuse s'exprime plus naturellement dans mon travail.
La fascination qu'exerce toujours sur moi le théâtre d'ombres réside dans sa simplicité directe, mais aussi, dans sa nature d'insaisissabilité. La lumière évanescente qui permet aux personnages et aux décors de prendre forme projette des ombres sur la translucidité de l'écran. Mon entreprise créatrice cherche encore aujourd'hui la connaissance en faisant apparaître aux sens, par un processus défini, l’innomé. Qu'est-ce qui se cache derrière la porte de nos sens? La lumière qui met en évidence, sujet / objet, joue-t-elle un rôle dans notre déploiement existentiel et dans celui du cosmos?
Ma poïétique permet l’apport de nouvelles connaissances à la fois subjectives et objectives à intégrer au corpus du savoir humain.
Les origines des éléments des différentes palettes instrumentales
Ayant vécu plusieurs années au Moyen-Orient, en Égypte et en Iran, les fragments d'images orientales que j’ai parfois intégrées à différentes époques dans mes tableaux sont issus d’iconographies liées à ces cultures que j’ai absorbées dans mon enfance et mon adolescence. Celles-ci font donc partie organiquement de mon bagage. Les références au bouddhisme oriental et aux anciennes traditions spirituelles non duelles témoignent d’un cheminement de 10 ans dans la pratique du zen (chan chinois) auprès d'un maître. Quant à l’iconographie byzantine, celle-ci s’explique par un père d’origine russe : j’ai été baptisée selon des rites chrétiens orientaux, immergée dans les fonts baptismaux.
Dans un même tableau peuvent se côtoyer ou même se marier plusieurs éléments de cultures ou de croyances que l’on pourrait penser antinomiques, mais qui pour moi, m'apparaissent essentiellement de même nature. C'est là une des originalités de mon parcours qui me permet une lecture plus large de l’expérience humaine.
L’utilisation de textures, de matériaux organiques dans mes tableaux passée, témoigne de ma reconnaissance d’un lien intime, d’une relation physiologique avec la terre. À différentes périodes de ma vie, j’ai choisi de vivre pendant de nombreuses années dans un environnement connecté avec les éléments (fleuve, lac, mer, montagnes, champs, forêts). L’ancrage intérieur que permet la nature qui est vierge de l’empreinte culturelle correspond encore pour moi à une nécessité intérieure impérative.
La matière brute de la récupération industrielle a été, à une certaine époque, importante pour moi, en ce sens qu’en travaillant avec celle-ci et à partir de celle-ci, j’ai eu la sensation de devenir une alchimiste transformant mes conditionnements douloureux et les déchets du corps social en or ou en corps plus subtil. Évidemment, à la base, ces éléments devaient m’inspirer. Tout comme ma collection d’imprimés et de documents photocopiés qui relevait d’une filiation sensible, la même chose s'est produite avec les rebuts industriels.
L’islam, étant une religion du verbe, les pays arabes utilisent ces écritures à la fois comme motifs, illustrations et véhicules de communication. Ces écritures se retrouvent donc partout autour de vous lorsque vous êtes immergés dans cette culture. Comme je n’ai jamais appris ni les langues ni les écritures arabes, la calligraphie arabe que j'ai toujours ressentie dansante, est restée incompréhensible pour moi, quoiqu’ayant accompagné mon immersion au Caire autant qu’à Téhéran. Elle apparaît encore aujourd'hui dans mes tableaux comme des motifs créant des surfaces vibrantes, le souffle sous-jacent de l'univers. D’une certaine façon, l’écriture sous la forme d’arabesques a pratiquement fait toujours partie de mes images, servant de composantes.