©Annouchka Gravel Galouchko, Téhéran
Installée confortablement sur le toit plat de notre maison à Téhéran, l’adolescente de quatorze ans que j’étais pouvait enfin s’isoler de sa famille. La vue aérienne que nous avions de notre quartier m’enchantait. Du ciel, de l’espace à profusion et enfin la sainte paix! En bas, notre charmant petit jardin à l’iranienne avec ses deux bassins turquoise, ses oiseaux et ses parterres de roses de toutes les couleurs.
Après un certain temps là-haut sur cette immense terrasse, je me connectais à un état d’être plus vaste alors que je contemplais au loin, à 66kilomètres au nord est de Téhéran, le Mont Damavand, le sommet le plus élevé de la chaîne de montagnes d’Alborz, le volcan éteint aux neiges éternelles. L’espace ressenti m’amenait dans une sensation familière et paisible de non-distance avec la montagne.
La montagne se nomme aussi Le Div-e Sefid, ou démon blanc, lieu d’ensevelissement du démon malfaisant, Zahhâk, issu de la mythologie religieuse persane zoroastrienne. Le démon dragon à trois têtes est un être humain avec deux têtes de serpents qui lui ont poussées sur les épaules. Elles représentent le principe manichéen duel. Enchaîné a tout jamais dans une grotte des flancs de la montagne blanche, le monstre représente le mal emprisonné à tout jamais.
Dans mon image, le mont Damavand surgissant derrière les deux palais où cohabitent le jour et la nuit, demeure immaculé malgré l’esprit duel du démon qui habite. La montagne se confond au mont Fuji, lieu d’ascension spirituelle du shintoïsme et du bouddhisme où l’on ne fait plus qu’un avec l’univers, dans la compréhension que les opposés ne sont en réalité qu'un seul et même phénomène indivisible.
Dans mon image, il semblerait ne pas y avoir de combat entre ce que notre mental conçoit comme étant des opposés : le jour et la nuit, le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, la vie et la mort. Pourtant, au-dessus de l'oiseau couronné, le palais central s'élevant au dessus des autres est totalement plongé dans la noirceur, invitant sûrement le roitelet rossignol à revisiter son palais, à pénétrer dans l'obscurité de son propre esprit, à rentrer dans l'antre du démon de la montagne noire.
Le volcan émotionnel peut se rallumer à tout moment. Le rossignol peut accepter de faire le voyage spirituel initiatique dans l'antre du démon Zahhâk où se trouve caché notre identité profonde, la perle brillante.
J’ai sûrement créé bien inconsciemment cette image en lien avec la culture mystique orientale des Maîtres soufis conduisant leurs élèves à l’illumination. Le rossignol, dans la culture persane représente l’amant. Il peut devenir un roi sage à l’image de l’Oiseau roi, le Simurg persan qui est le seigneur de la création.
1974-1975, Téhéran. Devant la porte de notre maison qu'on ne voit pas ( les voisins habitent dans les bâtiments d'en face), mon frère Guy et le marchand d'excréments de chameaux: un engrais formidable pour les roses
Ma sœur, Marie Galouchko, dans notre petit jardin à Téhéran en 1975
Mon père, Alexandre Galouchko (franco-russe) dans notre jardin à Téhéran
Valia, notre aide ménagère russo-polonaise
Mon père, Alexandre Galouchko, dans notre jardin aux roses à Téhéran
Pique-nique près du Mont Damavan au nord de Téhéran avec des amis hindous et Franco-suédois. Ma mère, Françoise Gravel ( québécoise née en Saskatchewan) à gauche avec ses grosses lunettes de soleil, mon frère derrière l'arbre à droite, et moi (gilet rouge) fléchissant les genoux