Exposition : Bâtir un Pont à la galerie boutique Loongese
Exposition Bâtir un Pont
©Annouchka Gravel Galouchko, Voyage, acrylique et procédés mixtes sur toile, 71 cm x 95, 5 cm, 1996. Image tirée de la monographie sur l’artiste, Envol Imaginaire, Images, Les 400 coups, Montréal 1998.
Cette offre d’exposition m’est parvenue spontanément par l’intermédiaire d’un ami musicien, Louis Babin, voisin et ami du charmant couple, Juan Guan et Guodong Zhang, propriétaires de la nouvelle galerie boutique Loongese à Laval.
Cela faisait plusieurs années que je n’avais pas exposé mes œuvres en solo, m’étant en partie retirée du monde, des réseaux et médias sociaux, dans le but de mieux me reconnecter intérieurement. Cette période de vie plus intériorisée m’a permis, entre autres, de me consacrer davantage à l’écriture, à ma pratique spirituelle ainsi qu’à ma vieille mère malade qui est décédée il y a peu.
Cette exposition est pour moi une occasion en or de retrouver, avec un regard neuf, le contact avec le public et de répondre ainsi au courant de la vie qui m’appelle.
L’enthousiasme de Juan Guan et de Guodong Zhang face à mon travail, leur reconnaissance de ce quelque chose de mystérieux et d’insaisissable émanant de mes œuvres, m’a sérieusement motivée à monter avec eux l’exposition Bâtir un pont. Je me suis sentie comprise dans une intelligence sensible au-delà des mots par ce couple originaire de Chine, comme si tous deux ressentaient ma pensée, mes états d’être, mes limites et ma grandeur.
Malgré la barrière linguistique, nos rencontres de travail à Loongese autour du thé mais aussi à la maison, se sont déroulées dans une harmonie paisible remplie de bienveillance. Les moments partagés ensemble nous ont simultanément permis d’apprendre à nous connaître, à définir un partage du travail, à respirer les effluves du thé et à le savourer dans de minuscules petites tasses. Ces rencontres autour du thé se sont révélées pour moi un cheminement précieux unifiant spiritualité, amitié, carrière et affaires. Je voudrais aussi remercier chaleureusement Sylvie Castonguay que nous avons rencontrée ensemble et qui s’est chargée gracieusement et avec grande efficacité du plan de communication de l’événement. Sa présence est un précieux atout pour nous tous.
L’artiste, durant son vernissage, peut parfois être un peu stressé, mais aussi fatigué par les importants préparatifs qu’a exigés l’exposition. C’est ainsi que par le passé, lors de mes vernissages, j’ai eu tendance à m’éparpiller avec certains de mes hôtes et à perdre ainsi de vue la raison d’être de tous mes efforts. Tout ce qui m’entourait dans l’ici maintenant, soit les tableaux sur les cimaises de la galerie, avait perdu son importance. Nombreux étaient aussi les visiteurs qui ayant bu quelques verres de vin se mettaient à parler de leurs préoccupations plutôt que de s’intéresser à ma démarche ou simplement contempler ce qui était là sous leurs regards.
Je réalise aujourd’hui que je n’ai pas toujours su honorer à sa juste valeur mon travail : sa vie secrète développée en solitaire durant de longues années dans le creuset alchimique qu’est l’atelier. J’aimerais remédier à cela avec vous aujourd’hui. Je n’ai non plus pas su me promouvoir et être à mes affaires, j’avais dissocié la créativité et la spiritualité de la vie pratique. J’espère que le partenariat que j’inaugure aujourd’hui avec mes nouveaux amis m’aidera à remédier à cela. Comme le proverbe
Le vernissage, Bâtir un pont, cette fois-ci différent dans sa formule sans alcool, privilégie la dégustation de différents thés qui nous disposeront à la contemplation des œuvres. Cette ouverture d'esprit où l’on s’oublie soi-même, où l’on met à la porte ses préoccupations personnelles, devrait à la longue nous permettre un renouveau de conscience.
J’aimerais ici partager avec vous un souvenir relié à la cérémonie du thé, en lien aussi avec on Maître Zen. J’ai suivi durant dix ans, en tant que laïque, les enseignements de Mukiku, Maître Zen, au monastère Mukiku Zen Ji. Le zazen (méditation) et le samu (travail physique) étaient les composantes essentielles de la discipline spirituelle enseignée.
Le maître qui nous a transmis généreusement ses précieux enseignements est aujourd’hui décédé et son monastère n’existe plus en tant que temple. Malgré cela, les graines semées dans nos cœurs grandissent au-delà de la disparition de notre enseignant.
Un jour, Mukiku tenta d’instaurer dans nos pratiques zen la cérémonie du thé (chadô), Voie spirituelle que l’on retrouve dans le zen, le chan et le Dao (Tao). J’étais alors une jeune femme impulsive et j’y ai réagi négativement. Cela se passa ainsi. À la fin d’un repas pris en commun avec les moines, Mukiku me nomma officiellement la future Maîtresse de cérémonie de thé à la Sangha! La Voie du thé, déclarait-il, ne se ferait pas sans moi.
Je n’avais aucunement envie d’apprendre les rituels complexes et rigoureux qu’exigeait la cérémonie du thé. L’apprentissage des aspects techniques du rituel me rebutait. Dans ma tête, des images de gracieuses et soumises geishas déambulant dans les salons de thé en servant la gent masculine fortement machiste, résumait fâcheusement ce rituel. Je ne comprenais pas, à l’époque, la profondeur de la Voie du thé que nous n’avons pas d’ailleurs pas établie à cause de mon refus. Cette mise en situation provoquée par le maître est restée en moi comme un geste inachevé, une création laissée en plan.
J’ai ressenti, il y a un an ou deux, le besoin d’explorer l’univers de la cérémonie du thé et de l’éveil à travers les personnages d’un de mes romans en cours d’écriture. Ce texte sera la suite de deux histoires que j’ai écrites en 1995, « Shô et les dragons d’eau », publiée chez Annick-Press et en 2004 « Les cerfs-volants ensorcelés » publié chez Leméac, éditeur.
Tout cela pour vous dire qu’il n’y a pas de hasard. Que ma rencontre autour du thé avec Juan Guan et Guodong Zhang était inscrite quelque part dans le cosmos et devait un jour prendre forme. D’autant plus que le couple qui nous reçoit aujourd’hui a pris part à une cérémonie de thé au monastère chan (zen) de Bailin, temple reconstruit en 1988 dans le nord de la Chine.
Daniel Odier, qui est un Maître au parcours particulièrement vaste, a été nommé Maître chan en 2005 à ce même monastère de Bailin, par l’un des plus grands Maîtres chan chinois, l’un des héritiers de Xu Yun (Nuage Vide), maître Jin Hui. Jin Hui Sifu lui a transmis la lignée de Zhaozhou et lui donné le nom de Ming Qing Sifu. Les enseignements de Daniel Odier sont pour moi une grande inspiration. Il aime mon travail, reconnaissant à travers lui un parcours spirituel authentique. J’ai illustré un de ses textes que je porte depuis des années dans mon cœur. Il s’agit de Lettre à Éléonore, une lettre faite de réponses qui s’adresse à une petite fille de sept ans lui posant huit questions fondamentales. Comme il serait merveilleux que ce magnifique projet prenne un jour son envol dans le monde!
Je termine enfin par ce poème que m’a transmis Juan Guan et Guodong Zhang :
Hymne au thé,
écrit par Wuzhu, maître T’Chan (Zen) de la dynastie Tang.
Les vallées profondes et isolées enfantent l’herbe divine
Lumineuse entrée dans le Tao
Les cueilleurs y saisissent délicatement les feuilles
Dont la subtile saveur se déverse dans nos bols
Apportant paix et pureté
Détaché et sans effort
L’esprit éveillé réalise enfin la pleine conscience
Permettant à la sublime porte du Dharma de s’entrouvrir
Cette traduction est une adaptation en français de mon compagnon Stéphan Daigle
©Annouchka Gravel Galouchko, Voyage, acrylique et procédés mixtes sur toile, 71 cm x 95, 5 cm, 1996. Image tirée de la monographie sur l’artiste, Envol Imaginaire, Images, Les 400 coups, Montréal 1998.
Cette offre d’exposition m’est parvenue spontanément par l’intermédiaire d’un ami musicien, Louis Babin, voisin et ami du charmant couple, Juan Guan et Guodong Zhang, propriétaires de la nouvelle galerie boutique Loongese à Laval.
Cela faisait plusieurs années que je n’avais pas exposé mes œuvres en solo, m’étant en partie retirée du monde, des réseaux et médias sociaux, dans le but de mieux me reconnecter intérieurement. Cette période de vie plus intériorisée m’a permis, entre autres, de me consacrer davantage à l’écriture, à ma pratique spirituelle ainsi qu’à ma vieille mère malade qui est décédée il y a peu.
Cette exposition est pour moi une occasion en or de retrouver, avec un regard neuf, le contact avec le public et de répondre ainsi au courant de la vie qui m’appelle.
L’enthousiasme de Juan Guan et de Guodong Zhang face à mon travail, leur reconnaissance de ce quelque chose de mystérieux et d’insaisissable émanant de mes œuvres, m’a sérieusement motivée à monter avec eux l’exposition Bâtir un pont. Je me suis sentie comprise dans une intelligence sensible au-delà des mots par ce couple originaire de Chine, comme si tous deux ressentaient ma pensée, mes états d’être, mes limites et ma grandeur.
Malgré la barrière linguistique, nos rencontres de travail à Loongese autour du thé mais aussi à la maison, se sont déroulées dans une harmonie paisible remplie de bienveillance. Les moments partagés ensemble nous ont simultanément permis d’apprendre à nous connaître, à définir un partage du travail, à respirer les effluves du thé et à le savourer dans de minuscules petites tasses. Ces rencontres autour du thé se sont révélées pour moi un cheminement précieux unifiant spiritualité, amitié, carrière et affaires. Je voudrais aussi remercier chaleureusement Sylvie Castonguay que nous avons rencontrée ensemble et qui s’est chargée gracieusement et avec grande efficacité du plan de communication de l’événement. Sa présence est un précieux atout pour nous tous.
L’artiste, durant son vernissage, peut parfois être un peu stressé, mais aussi fatigué par les importants préparatifs qu’a exigés l’exposition. C’est ainsi que par le passé, lors de mes vernissages, j’ai eu tendance à m’éparpiller avec certains de mes hôtes et à perdre ainsi de vue la raison d’être de tous mes efforts. Tout ce qui m’entourait dans l’ici maintenant, soit les tableaux sur les cimaises de la galerie, avait perdu son importance. Nombreux étaient aussi les visiteurs qui ayant bu quelques verres de vin se mettaient à parler de leurs préoccupations plutôt que de s’intéresser à ma démarche ou simplement contempler ce qui était là sous leurs regards.
Je réalise aujourd’hui que je n’ai pas toujours su honorer à sa juste valeur mon travail : sa vie secrète développée en solitaire durant de longues années dans le creuset alchimique qu’est l’atelier. J’aimerais remédier à cela avec vous aujourd’hui. Je n’ai non plus pas su me promouvoir et être à mes affaires, j’avais dissocié la créativité et la spiritualité de la vie pratique. J’espère que le partenariat que j’inaugure aujourd’hui avec mes nouveaux amis m’aidera à remédier à cela. Comme le proverbe
Le vernissage, Bâtir un pont, cette fois-ci différent dans sa formule sans alcool, privilégie la dégustation de différents thés qui nous disposeront à la contemplation des œuvres. Cette ouverture d'esprit où l’on s’oublie soi-même, où l’on met à la porte ses préoccupations personnelles, devrait à la longue nous permettre un renouveau de conscience.
J’aimerais ici partager avec vous un souvenir relié à la cérémonie du thé, en lien aussi avec on Maître Zen. J’ai suivi durant dix ans, en tant que laïque, les enseignements de Mukiku, Maître Zen, au monastère Mukiku Zen Ji. Le zazen (méditation) et le samu (travail physique) étaient les composantes essentielles de la discipline spirituelle enseignée.
Le maître qui nous a transmis généreusement ses précieux enseignements est aujourd’hui décédé et son monastère n’existe plus en tant que temple. Malgré cela, les graines semées dans nos cœurs grandissent au-delà de la disparition de notre enseignant.
Un jour, Mukiku tenta d’instaurer dans nos pratiques zen la cérémonie du thé (chadô), Voie spirituelle que l’on retrouve dans le zen, le chan et le Dao (Tao). J’étais alors une jeune femme impulsive et j’y ai réagi négativement. Cela se passa ainsi. À la fin d’un repas pris en commun avec les moines, Mukiku me nomma officiellement la future Maîtresse de cérémonie de thé à la Sangha! La Voie du thé, déclarait-il, ne se ferait pas sans moi.
Je n’avais aucunement envie d’apprendre les rituels complexes et rigoureux qu’exigeait la cérémonie du thé. L’apprentissage des aspects techniques du rituel me rebutait. Dans ma tête, des images de gracieuses et soumises geishas déambulant dans les salons de thé en servant la gent masculine fortement machiste, résumait fâcheusement ce rituel. Je ne comprenais pas, à l’époque, la profondeur de la Voie du thé que nous n’avons pas d’ailleurs pas établie à cause de mon refus. Cette mise en situation provoquée par le maître est restée en moi comme un geste inachevé, une création laissée en plan.
J’ai ressenti, il y a un an ou deux, le besoin d’explorer l’univers de la cérémonie du thé et de l’éveil à travers les personnages d’un de mes romans en cours d’écriture. Ce texte sera la suite de deux histoires que j’ai écrites en 1995, « Shô et les dragons d’eau », publiée chez Annick-Press et en 2004 « Les cerfs-volants ensorcelés » publié chez Leméac, éditeur.
Tout cela pour vous dire qu’il n’y a pas de hasard. Que ma rencontre autour du thé avec Juan Guan et Guodong Zhang était inscrite quelque part dans le cosmos et devait un jour prendre forme. D’autant plus que le couple qui nous reçoit aujourd’hui a pris part à une cérémonie de thé au monastère chan (zen) de Bailin, temple reconstruit en 1988 dans le nord de la Chine.
Daniel Odier, qui est un Maître au parcours particulièrement vaste, a été nommé Maître chan en 2005 à ce même monastère de Bailin, par l’un des plus grands Maîtres chan chinois, l’un des héritiers de Xu Yun (Nuage Vide), maître Jin Hui. Jin Hui Sifu lui a transmis la lignée de Zhaozhou et lui donné le nom de Ming Qing Sifu. Les enseignements de Daniel Odier sont pour moi une grande inspiration. Il aime mon travail, reconnaissant à travers lui un parcours spirituel authentique. J’ai illustré un de ses textes que je porte depuis des années dans mon cœur. Il s’agit de Lettre à Éléonore, une lettre faite de réponses qui s’adresse à une petite fille de sept ans lui posant huit questions fondamentales. Comme il serait merveilleux que ce magnifique projet prenne un jour son envol dans le monde!
Je termine enfin par ce poème que m’a transmis Juan Guan et Guodong Zhang :
Hymne au thé,
écrit par Wuzhu, maître T’Chan (Zen) de la dynastie Tang.
Les vallées profondes et isolées enfantent l’herbe divine
Lumineuse entrée dans le Tao
Les cueilleurs y saisissent délicatement les feuilles
Dont la subtile saveur se déverse dans nos bols
Apportant paix et pureté
Détaché et sans effort
L’esprit éveillé réalise enfin la pleine conscience
Permettant à la sublime porte du Dharma de s’entrouvrir
Cette traduction est une adaptation en français de mon compagnon Stéphan Daigle
Gasshô, image de ©A.G.G tirée des Les cerfs-volants ensorcelés de A.G.G, livre publié chez Leméac éditeur. |