Mon tout premier amour (à droite) d'adolescence s'en est allé un jour en guerre
Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu la paix dans le monde, mais à la maison aussi; sûrement, parce que ma mère était un vrai dragon; que mes grands-parents russes paternels avaient vécu au cours de leur vie plusieurs guerres; que mon grand-père avait été un officier dans l’Armée blanche des volontaires à la fin révolution russe; qu’il avait fait aussi de la résistance en France lors de la Deuxième Guerre mondiale; que mon père, engagé dans l’armée française sous l’occupation, donc au service de l’armée allemande, avait participé lui aussi à la résistance en transmettant des informations à ses réseaux de la résistance; que moi-même, enfant, je m’étais retrouvée avec ma famille en 1967 en Égypte dans un pays en guerre; qu’au Mexique en 1968, ma mère et ses quatre enfants participant à une manifestation pacifique au Zoccalo de Mexico, avait failli se faire mitrailler par les forces de l’ordre d’un gouvernement tyrannique : ce qui s’est appelé par la suite le massacre de Tlatelolco; que mon tout premier amour d'adolescence, Patrick Mallat, avec qui j'étudiais au Lycée Franco-Iranien de Téhéran en 1975, me quitta un beau matin pour aller faire la guerre aux côtés des Tigres de Dany Chamoun fils de l'ex President Chamoun, chef de la résistance chrétienne Libanaise. Dany et sa famille furent assassiné par la suite.
Ma première histoire, La guerre des microbes, écrite à l’âge de six ou sept ans, reflète encore l’essentiel de mes préoccupations actuelles : un grand désir de trouver la paix en moi, autour de moi et dans le monde. La guerre des microbes se déroule dans le ventre d'une madame en guerre avec elle-même. Heureusement que mon histoire se résout bien. Je l'ai écrite à notre retour d’Égypte à Montréal; c’était dans le cadre d’une rédaction à l’école, notre professeur nous avait demandé de relater une petite histoire véridique ou fictive. L’important c’était que celle-ci devait être bien proche de notre cœur.
Pour en revenir à l'Égypte de mes six ans, en 1967, notre famille vivait toujours en Égypte, au Caire, sur l’île de Zamalek. Depuis trois ans, mon père y travaillait comme ingénieur dans les télécommunications. La dernière année du séjour en Égypte fut difficile et pleine de tensions, avec l’éternel conflit israélo-arabe qui s’amplifiait et la guerre des Six Jours qui allait éclater. Tout le monde semblait inquiet, mes oreilles d’enfant entendaient constamment parler d’une guerre imminente. Notre immeuble, notre école, les ambassades et les maisons étaient entourés de sacs de sable. Je priais le soir avant de m’endormir pour qu’il n’y ait pas la guerre.
La femme de Marzouk, notre homme de ménage, arriva un beau matin en larmes dans la cuisine. Marzourk, qui avait une nombreuse famille, allait être recruté pour aller se battre dans le Sinaï où les morts s’accumulaient dramatiquement. Mon père fit plein de démarches administratives auprès du gouvernement Égyptien et réussit, en payant celui-ci grassement, à sauver Marzouk du cauchemar collectif.
Pour moi, tous ces sacs de sable servant de protection autour de notre immeuble et de l'école, étaient de véritables sacs à cauchemars. La guerre des Six jours en Égypte a probablement influencé l'écriture de mon histoire, Shõ et les dragons d’eau, dans laquelle les villageois remplissent de leurs cauchemars des sacs qu’ils cachent dans leurs maisons, soit parce qu’ils sont blessés et désirent se protéger des jugements d'autrui, ou qu'ils en ont honte. À la longue, ne sachant plus quoi faire avec tous leurs conflits, alors que leurs maisons en sont envahies, ils finissent par les jeter à la mer. C’est terrible, car des monstres en sortent, créant de véritables tsunamis qui détruisent tout autour d’eux.
LA GUERRE
©Annouchka Gravel Galouchko, La guerre, 1991, acrylique et procédés mixtes sur toile, 240 cm X 180cm
Si on y réfléchit, la guerre ressemble à cela et sa racine se trouve nulle par ailleurs que dans notre propre psyché ; et si l’on veut transformer le monde pour que la paix surgisse, c’est d’abord à l’intérieur de nous-mêmes que l’état d’esprit paisible doit se manifester; mais cela n’est pas évident lorsqu’une guerre collective éclate et que vous n’avez pas le choix d’y participer, ne serait-ce que pour défendre votre famille. Alors que notre notre pays n'est pas en guerre et que avons du temps et la possibilité de réfléchir, je pense qu'il est essentiel de s'arrêter afin de comprendre comment fonctionne notre propre esprit. La recherche de la paix dans l’esprit qui reflète la paix dans le monde est le fondement de l’activité créatrice collective et individuelle. La recherche des origines de la guerre dans notre propre esprit m’a amené à vouloir savoir comment fonctionne notre propre esprit; ma révolution en est une intérieure. D’où toutes ces années passées auprès d’un maitre Zen à la fin de ma vingtaine jusqu’à la naissance de mon fils, dix ans plus tard; puis, la poursuite de la transmission d'enseignements spirituels non duels à travers d'autres sources permettent encore à ma quête de se poursuivre.
L'artiste qui est en gestation avant de manifester des formes, des couleurs, des sons, etc, manifeste continuellement des formes et des mondes à travers son art. L'artiste procède de la même façon dans son fonctionnement que l'esprit qui façonne absolument tout dans l'univers. L'univers est une construction mentale.
L'artiste qui est en gestation avant de manifester des formes, des couleurs, des sons, etc, manifeste continuellement des formes et des mondes à travers son art. L'artiste procède de la même façon dans son fonctionnement que l'esprit qui façonne absolument tout dans l'univers. L'univers est une construction mentale.